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Article Dans Une Revue Mots: les langages du politique Année : 2014

A propos d’une accroche éditoriale : Rivarol et la francophonie

Résumé

En 1784, Antoine Rivarol, répondant à trois questions de l’Académie de Berlin, écrit son Discours sur l’universalité de la langue française. Les éditions Manucius qui viennent de rééditer l’ouvrage en 2013 ont ajouté un bandeau commercial : « la francophonie au XVIIIe siècle ». L’accroche souligne un contraste entre l’appréhension actuelle de la notion de francophonie qui évoque généralement l’Afrique et l’Amérique, et l’argumentation de Rivarol qui, dans une démarche européocentriste, étudie la langue française au regard des autres langues européennes, mais selon une visée universalisante. La perspective de l’auteur est d’abord historique : c’est sous Louis XIV que la langue a consolidé ses qualités lui permettant de dépasser ses voisines et de pouvoir prétendre à l’universalité. C’est sous un pouvoir fort qu’elle s’est mise à refléter cette société policée dont les valeurs doivent convenir à l’humanité entière. Mais c’est en même temps parce que la France n’a pas développé son empire militairement sur les autres puissances (voire parce qu’elle a perdu des guerres), qu’elle a su développer sa langue. La « francophonie » qui s’élabore ici est une réponse philosophique et linguistique à la puissance coloniale des autres nations européennes. Mais on sent au fil du texte, qu’il s’agit, là aussi, d’une forme de volonté de domination politique. Le paradoxe déjà évident se complexifie lorsque Rivarol souligne combien la langue française est propice au développement des idées comme celles de Raynal : les valeurs intrinsèques de la langue classique, édifiée sous le despotisme sont celles qui permettent d’exprimer les idées des Lumières. Et peut-être peut-on lire ici un des fondements de la francophonie telle qu’elle s’est ensuite constituée : une langue, reflet d’un pouvoir fort, diffusant des valeurs universelles – donc, parfois en opposition à ce pouvoir central – de façon centrifuge. C’est ce double paradoxe que nous nous proposons d’étudier ici afin de souligner l’ambiguïté fondamentale de la notion générale de francophonie telle qu’elle s’élabore à la fin du XVIIIe siècle.

Domaines

Littératures
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-01110417 , version 1 (28-01-2015)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01110417 , version 1

Citer

Guilhem Armand. A propos d’une accroche éditoriale : Rivarol et la francophonie : [note de recherche. Mots: les langages du politique, 2014, Regards sur le post-colonialisme linguistique, 106, pp.61-70. ⟨hal-01110417⟩
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