Du récit de sa propre souffrance à "la vérité sur les personnes et les choses". Une analyse des Pérégrinations d'une paria (Flora Tristan)
Résumé
Le nom de paria que Flora Tristan se donne indique deux choses : l’expérience d’une condition commune faite à des gens (une femme en l’occurrence) qui, malgré la proclamation d’égalité universelle, sont de fait tenus en dehors d’elle car soumis à des assujettissements résultant d’un usage abusif et invisible du pouvoir, d’une part ; la tentative d’échapper à cette condition par la fuite ou la rébellion personnelle, d’autre part. La complexité de cette position donne lieu à un genre hybride de texte – entre récit de voyage et autobiographie – ainsi qu’à un type singulier de savoir : ni philosophique, ni sociologique, ni anthropologique, bien que tenant d’une certaine manière des trois. Ce savoir est ancré dans l’analyse de la souffrance personnelle de la narratrice, mais il suppose aussi que la distance d’un voir et d’un juger soit prise par rapport à cette souffrance, la paria observant et se donnant pour tâche de « dire la vérité sur les personnes et les choses ». Le caractère spécifique de cette vérité (sociale, morale et politique) trouve mieux à s’énoncer dans la forme du récit que dans celle du traité, ses procédés se rapprochant alors davantage de ceux de la littérature que de la philosophie ou la sociologie. Même autobiographique, le récit construit des personnages et invente des scènes. L’article examine en particulier la façon dont Flora Tristan produit un savoir en classant et typifiant, sans que cette typification soit, comme en sociologie, le but de son texte.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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