Perception, cognition et syntaxe : étude comparée de she et de ça sujets de verbes météorologiques.
Résumé
Sur un plan cognitif, les verbes météorologiques ont pour spécificité de se prêter difficilement à une perception qui distinguerait clairement un processus (exprimé par un verbe ou un groupe verbal) et un participant (désigné par un sujet) (ex. Creissels 2006). En anglais comme en français, la syntaxe, qui impose une bipartition sujet / verbe, apparaît donc en conflit avec la perception. Le sujet par défaut, it / il, est d’ailleurs régulièrement décrit comme un simple explétif visant à instancier une fonction syntaxique (ex. Huddleston & Pullum 2002, Creissels 2006), et il s’agit du pronom le moins marqué de chacune des langues, par la catégorie (le pronom personnel est le pronom par défaut, Cornish 1999), la personne (la 3e, ou « non personne »), le nombre (le singulier, non marqué par rapport au pluriel) et le genre.Pourtant, un certain nombre de locuteurs anglophones et francophones optent pour un sujet pronominal non explétif (au-delà des pronoms personnels it / il, pour lesquels on n’abordera pas la vaste question de leur possible référentialité). Le français admet communément le démonstratif ça, l’anglais, dans certaines variétés non standard principalement nord-américaines, un pronom personnel féminin (ex. she’s snowing pretty good, Gardelle 2012). La description de ces deux usages présentant des points de convergence évidents, notamment un lien fort à la situation, leur étude comparée vise à préciser l’interaction entre perception, cognition et syntaxe dans ces emplois. On se demande plus spécifiquement ce qu’encodent ces pronoms, quelle est leur distribution (à l’aide d’une étude sur corpus), pourquoi ils relèvent de catégories différentes dans les deux langues (démonstratif et pronom personnel respectivement) et quelle répercussion ceci peut avoir sur la représentation de l’événement. On propose d’expliquer les points communs et différences notés par l’interaction de quatre plans : cognition (contraintes sur la construction de l’événement), perspective (expérience du temps), syntaxe (influence du sémantisme prototypiquement associé à la fonction sujet et fonctionnement différent de la catégorie du genre dans les deux langues) et potentialités d’usage des pronoms she et ça dans la langue dans son ensemble.