Involontaire mais intentionnel ? Enjeux éthiques de la prévention comportementaliste
Résumé
Une part croissante des politiques de prévention des comportements à risque mobilise un ensemble de savoirs instrumentaux relevant de la psychologie expérimentale, des neurosciences, du marketing, des technologies de l'information et des sciences politiques. Elles se traduisent par un intérêt croissant pour les nudges (Thaler & Sunstein, 2009)ou d'autres dispositifs hérestétiques (Riker, 1984) du même genre, qui consistent à disposer des éléments " déclencheurs " dans l'environnement pour favoriser certaines sortes de comportements favorables à la santé et décourager ceux qui sont mauvais pour la santé. Ce genre de procédés préventifs soulève un débat éthique, dans le sillage de la discussion sur le " paternalisme libertarien ", puisqu'ils consistent à manipuler délibérément les choix des individus. Cette approche contemporaine de la prévention comportementale met en lumière également certains attendus des politiques de prévention mise en œuvre par l'" Etat sanitaire ", privilégiant les actions qui rendent possible un calcul de rentabilité sur des critères d'efficacité observable. En interrogeant certains paradoxes dans la manière dont les personnes " cibles " participent aux mesures préventives visant à changer leurs comportements, il s'agit dans cette communication d'explorer un enjeu central du débat éthique sur la prévention comportementaliste. Dans un esprit de problématisation et de clarification conceptuelle, il s'agit d'explorer les tensions entre le volontaire et l'involontaire, l'individuel et le collectif, l'activité et le passivité et ainsi de questionner la légitimité de l'émergence de ces modes de régulation sanitaire des comportements de santé.