La symbiose entre urbain et rural, de Broadacre City à Megalopolis
Résumé
En 1961, le géographe Jean Gottmann publiait ses célèbres recherches explorant la côte est des Etats-Unis, révélant par de savantes analyses la nouvelle modalité territoriale que constituait le continuum urbanisé s'étendant de Boston à Washington et introduisant, pour qualifier ce paysage d'un nouveau type - d'un point de vue aussi bien physique, économique, que social -, le terme de Megalopolis. Il remarquait, dans le chapitre consacré à l'étude de " La symbiose entre l'urbain et le rural " si caractéristique de Megalopolis : " Que "la Broad Acres City", telle que dénommée par Wright, soit indispensable à une société démocratique, cela restera longtemps une question discutable. [...] Dans l'ensemble néanmoins, Wright avait prévu la dissolution quasi-colloïdale de certaines fonctions urbaines dans le territoire rural ". Cette extrême perspicacité de Wright, qui lui a permis d'anticiper dès les années 1920 ce qu'une majorité ne parviendra finalement à voir - c'est-à-dire à admettre - que très récemment, sera le plus souvent à l'origine d'une erreur d'interprétation - voire parfois d'une totale incompréhension - de sa pensée. Ce projet de Broadacre City, qu'il commence à énoncer dès le début des années 1930 et auquel il ne cessera de travailler jusqu'à sa disparition, est en effet souvent associé, voire assimilé, à ce phénomène qu'il se donnait pourtant à combattre : l'étalement du suburb sur le territoire nord-américain. Or, assimiler le projet de Broadacres à la prolifération de la suburbanisation constatée depuis maintenant plus d'un demi siècle constitue un véritable contresens, même si la réalité physique aujourd'hui observable paraît être parfois - à première vue seulement - une illustration des descriptions formulées par Wright. Là réside en effet une des difficultés majeures pour comprendre la pensée de l'architecte : si le projet architectural, politique, économique de Broadacre City n'a en fait jamais vu le jour, la vision de Wright s'avérera néanmoins on ne peut plus prophétique.