. Des-malentendus-d-'ordre-scientifique-a-l-'époque,-on-savait-déjà-que-la-terre-est-solide-et-non-liquide, est là que se trouve probablement la raison principale de l'incompréhension, et surtout de la résistance de savants comme Jeffreys Pour ce dernier, notamment, Sial et Sima se comportaient comme des solides vis-à-vis de certaines ondes sismiques : c'est-àdire vis-à-vis d'ébranlements instantanés Cela le conduisait à refuser l'isostasie, qui implique une déformation du Sima profond : il lui était donc aisé de rejeter l'argumentation de Wegener sur l'inexistence des ponts continentaux, basée sur l'isostasie qui implique un Sima au moins un peu visqueux, déformable à la longue (et non de manière instantanée) En réalité, il y avait là un malentendu : regardez par exemple un glacier montagnard ; avec un marteau, on peut casser sa glace, tandis qu'il s'écoule lentement vers le bas de la vallée, à une vitesse de quelques mètres ou dizaines de mètres par an. Le même corps solide, à la même température, peut donc avoir un comportement de solide rigide dans un cas, est en réalité compatible avec le très lent comportement visqueux qu'exige l'isostasie

. Ici, science et politique se rejoignent, comme l'exprime si bien une boutade d'Honoré de Balzac : « La France est un pays qui adore changer de gouvernement, à condition que ce soit toujours le même

. Ainsi, USA dans les années 30 à 50, si l'on voulait faire carrière

. Et-inversement,-À-partir-de, aux USA comme en Europe, il était recommandé de faire souvent allusion, dans les publications, 1970.

L. Français, ont été coupés des scientifiques allemands pendant toute la Première Guerre mondiale, et au moins jusqu'au début des années 20, alors que dans certaines universités suisses le mobilisme wegenerien était enseigné dès les années 20 ou 30. Bien sûr, certains Français, tels Léon Lutaud ou Boris Choubert n'ont pas hésité à enseigner ou utiliser la dérive des continents ? mais ils semblent avoir été des exceptions

A. Ce-propos,-je-voudrais-citer-notre-confrère and R. Trümpy-de-zurich, il cite en passant quelques souvenirs personnels Et notamment celui d'une excursion dans les Highlands d'Ecosse en 1948 où, avec un géologue canadien ils demandèrent en fin de journée au leader, Sir Edward Bailey, l'autorisation de gravir un sommet voisin, au lieu de participer au sacro-saint « five o'clock tea ». Là-haut, devant un splendide coucher de soleil, Trümpy tente de convaincre son collègue senior de la dérive des continents : ce dernier rit franchement, 2001.

O. Wilson, l'un des pionniers de la tectonique des plaques dans les années 60, auteur notamment en 1965 d'un célèbre article qui introduisait la notion de faille transformante : c'est bien dire qu'une quinzaine d'années auparavant, il n'était alors pas préparé à l

. Alors-que-cette-idée-n, était pas si nouvelle pour Trümpy, issu d'une université suisse? Retenons le « mécaniquement impossible » de Wilson, en 1948 : dix-neuf ans après les courants de convection de Holmes, quinze ans avant ces mêmes courants prônés par les « nouveaux géophysiciens

C. Fait and «. Suisse, explique probablement aussi les prises de position de Staub et surtout d'Argand (dès 1924

». On-dit-bien-«-la-chimie and ». , au pluriel : héritage d'un état de fait qui date du début du siècle, et qui a perduré au moins jusqu'à la fin des années 1960. Bref, on dit « un géologue », « un géophysicien », mais pas encore un géoscientiste ou un géoscientifique, mais on dit les sciences de la Terre

. Il-y-eut-aussi and . Et-ce-n, est pas spécifiquement français, l'idée parfois inconsciente d'une certaine hiérarchie des sciences, que l'on trouve par exemple dans la classification des sciences d'Auguste Comte : mathématiques et physique, sciences du mesurable, placées au dessus des autres, presque les seules « vraies » sciences... Notons que cela introduisit, le moment venu, sous Jeffreys comme dans les années 60-70, à côté de l'illusion de la véracité de ce qui est calculable et calculé

. Ensuite, étude de notre planète sont extrêmement diverses, leurs préoccupations justifient en partie leur isolement : elles ont longtemps continué de s'ignorer, on l'a vu plus haut ; c'est ce que l'on peut appeler, après Claude Allègre, « l'orchestre éclaté », ce que nous avons appelé le « chacun chez soi et chacun pour soi » car un orchestre qui n'avait jamais existé ne pouvait pas « éclater

S. L. Enfin, information circule mieux maintenant, c'est dû aussi à une meilleure organisation des publications scientifiques à l'échelle mondiale. Le temps n'est plus où un Holmes publiait (1929) une idée révolutionnaire et qui aurait pu être très féconde, sous un titre alléchant (Radioactivity and Earth Movements, mais dans un périodique peu diffusé hors de la Grande-Bretagne (Transactions of the Geological Society of Glasgow)

. Admettons-que-holmes-n-'ait-guère-Été and . Lu, Alors, force nous est de constater que, même si un faisceau de faits d'observation semblait démontrer la dérive, les scientifiques, dans leur grande majorité, n'ont pas bougé, alors qu'au contraire le ralliement a été rapide entre 1960 et 1970-75. La raison en est probablement l'émergence d'une explication théorique satisfaisante

U. Bref and . Nouveau-paradigme, était en train de devenir disponible. C'est bien là ce que prédit Thomas Kuhn (Chap. VII, « réponse à la crise » de son livre sur les révolutions scientifiques) : [les scientifiques?] « ne renoncent jamais au paradigme qui les a amenés à la crise

. Cela-est-probablement-vrai, y a-t-il eu une période de science en crise précédant la révolution de, pp.1960-70

. La-réponse-À-cette, Pour nous, à l'aube du XXI e siècle, les Sciences de la Terre des années 20 à 50 étaient en « crise », au sens de Kuhn. Le seul paradigme disponible pour comprendre l'évolution de notre planète était le fixisme : à cet égard, il est pour nous évident que nos prédécesseurs, et surtout du recul dont on peut disposer

. De-toute-manière, la « révolution » a-t-elle duré cinquante ans, de 1915 à 1965, ou quelques années entre, 1960.

«. Un, s'est assemblé, et une véritable communauté des sciences de la Terre travaille, sous le paradigme de la tectonique des plaques. Incontestablement, des données nouvelles arrivent

C. Le, de l'utilisation des satellites, et du GPS (Global Positioning System) qui permet maintenant de localiser un point du Globe avec une précision de l'ordre de quelques centimètres. Un autre exemple de progrès est le développement de la tomographie sismique, qui met en évidence l

. Bref, sachant bien que c'est une période de progrès scientifique, et que notre science a d'ores et déjà bénéficié d'un immense acquis de données et de modèles nouveaux. Mais, comme le dit (ou prédit ?) le modèle de Kuhn, un jour pourrait arriver, dans un an ou dans un siècle, où des faits nouveaux entreraient en contradiction avec le paradigme tel que nous le concevons, nous sommes incontestablement dans une période de science normale

B. Mais, Autrichien Eduard Suess, les structures nouvellement découvertes ne pouvaient s'expliquer que par une diminution du rayon terrestre : ce que l'on a appelé plus haut le « paradigme de la pomme ». Cette diminution, Bertrand s'était même aventuré à la calculer : les charriages découverts par lui en Provence ayant selon lui induit un raccourcissement horizontal de 20 km

. Et-en-1894, le même Marcel Bertrand pouvait écrire sans hésiter : « Ces énormes déplacements horizontaux se retrouvent dans toutes les grandes chaînes, quel que soit leur âge, et ils apportent un argument définitif en faveur de la théorie du refroidissement et de la contraction du globe terrestre

«. Un and . Définitif, Et pourtant, un fait nouveau et insoupçonné allait tout remettre en cause : deux ans après seulement, Becquerel (1896) découvrait la radioactivité, suivi par Marie Curie en 1898, Et quelques années après on a su que les roches de la croûte et du manteau étaient suffisamment radioactives pour que la Terre ne se refroidisse pas

. Considérons-d-'abord-ce-qu-'a and . Wegener, aidé, dans les dernières éditions de son livre, par les données complémentaires apportées par ses partisans

. Là, échec est total, et ses adversaires Jeffreys en tête, n'ont pas manqué d'utiliser ces défauts de la cuirasse pour dénigrer son oeuvre

. De-l-'autre-côté, une dérive des continents (en fait, seulement de ceux situés de part et d'autre de l'Atlantique), indépendamment de toute explication théorique, et cela présenté par Wegener dans un esprit interdisciplinaire, en utilisant les données de la paléontologie, de la géologie stratigraphique et structurale, de la paléoclimatologie, et de la géophysique. Wegener montrait aussi que les ponts continentaux n

. Dans-ce-cas, des résultats positifs ont été obtenus : on savait, ou l'on aurait dû savoir, dès 1915-1920, que les Amériques s'éloignaient de l'ensemble Europe

. Afrique, sous réserve de la signification de ce terme, qui sera discutée plus loin On savait aussi qu'à la fin de l'ère Primaire, vers 240 Ma, tous les continents actuels étaient rassemblés en un unique continent, la Pangée. Il ne faut pas oublier que le mot, jusqu'à ce jour employé par tous, géologues et géophysiciens

A. Cet-Égard, qui refusait les arguments tirés des autres sciences de la Terre, celles qu'il ignorait délibérément, comme la paléontologie ou la géologie : cette attitude nous apparaît franchement caricaturale, antiscientifique. N'oublions pas que si la théorie des « épicycles » de Ptolémée était fausse, cela n'empêchait pas un fait patent d'exister et d'être observable, à savoir les caractères particuliers du mouvement des planètes, Jeffreys

D. Aux-démonstrations and . Wegener, Du Toit et autres s'est ajoutée, dès 1929, l'hypothèse des courants de convection

. Des-idées-fausses, sur le sens à donner au mot « démonstration » Pour faire comprendre la position défendue ici, je voudrais d'abord citer deux éminents collègues, un géologue et un géophysicien. Citations notées lors de conférences qu'ils ont données en 2002 dans un cycle où le présent texte faisait également l'objet d'un exposé

. Et-pour-commencer, un de ces conférenciers, notée mot à mot : « Jeffreys a montré par le calcul que Wegener avait tort ». Nous avons vu ce qu'il faut penser de l'opinion de Jeffreys, qui, négligeant et même méprisant paléontologie et géologie qui, pour lui, ne semblaient pas être des sciences, n'attaquait chez Wegener que le « défaut de la cuirasse ». Car la tentative de Wegener de trouver une explication scientifique à la dérive a été

. Ensuite, expression est révélatrice de deux « défauts » de certains géologues, défauts qui tendent actuellement à s'estomper : d'une part un complexe d'infériorité visà-vis de l'oeuvre de collègues qui ont été formés par les mathématiques et la physique

. Et-cela-rappelle-fortement-la-phrase-qu-'écrivit-arago, Bureau des Longitudes, 1830) après qu'au XIX e siècle Elie de Beaumont eut présenté en 1829 à l'Académie des sciences son « réseau pentagonal », censé expliquer la structure et l'évolution de la Terre : « Aujourd'hui, la géologie a pris rang parmi les sciences exactes

P. and M. Curie, Le lendemain, devant le même auditoire, un autre orateur (cette fois un géophysicien), utilisant systématiquement l'ouvrage de Jeffreys, « démolissait » totalement Wegener, se trouvant, à l'étonnement de l'auditoire, en parfaite opposition avec un exposé antérieur

. Quoi, Ce sont des faits qui s'imposent à nous, et posent problème : correspondance des côtes si l'on « referme » l'Atlantique, structures géologiques semblables de part et d'autre, existence de fossiles continentaux datant de la fin l'ère Primaire (250-240 Ma)

. Pourquoi and . Là, Wegener a échoué ; et ce n'est qu'un demi-siècle plus tard que ceux que nous pouvons appeler les « nouveaux géophysiciens » nous ont apporté l'explication théorique (physique et mathématique si l'on veut) qui est nécessaire pour que notre cerveau soit satisfait !? autre forme du « confort intellectuel

. Au-moins-au-début-de-sa-quête, un géologue naturaliste peut certes se satisfaire du « comment », et dans une certaine mesure il a raison : Wegener avait bien « démontré » que les continents dérivent ; mais comme il n'avait pas su montrer « pourquoi

E. Fait, on est en droit de se demander : « qu'est-ce qu'une preuve véritable ? ». Mieux : une « preuve véritable » peut-elle exister ?

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