Compétition, coordination et effets de savoir. La génomique entre recherche académique et recherche industrielle
Résumé
L'avènement d'un régime de recherche stratégique a profondément modifié l'économie des relations entre recherche académique et recherche industrielle, rendant plus complexes les modalités d'accessibilité, de circulation et d'appropriation des connaissances scientifiques. En se basant sur le cas emblématique de la recherche génomique, cet article met en lumière certains phénomènes qui échappent la plupart du temps aux analyses traditionnelles des relations entre recherche publique et recherche privée, reposant souvent sur l'hypothèse que la recherche publique mène des activités essentiellement différentes de celles susceptibles d'être poursuivies par des firmes privées. L'une des conséquences de la dépendance des biotechnologies contempo-raines vis-à-vis d'infrastructures technologiques, sociales et organisationnelles plus larges, réside dans la coexistence de plus en plus fréquente de situations où des technologies génériques ou des équipement partagés obligent les acteurs académiques et industriels à coopérer tout en étant dans des situations de concurrence. L'instrumentation et la technique sont alors construits comme des vecteurs de coordination entre recherche génomique publique et privée. Les tensions que l'on voit se dessiner entre les acteurs, loin de constituer de simples entraves ou menaces à la production scientifique, influent en fait sur la dynamique de cette dernière. Les interactions, convergences et formes de concurrence entre recherche académique et recherche industrielle orientent alors les trajectoires scientifiques et technologiques, et modifient la nature, l'accessibilité et les modalités d'appropriation des connaissances.