L'intitulation au cinéma : appellations à géographie variable
Résumé
Parmi les diverses phases de la distribution cinématographique, l'intitulation est une étape capitale. Le titre est souvent l'un des premiers contacts du public potentiel avec le film, et il induit une certaine vision à la fois du film et de l'auteur par le spectateur, pour qui il offre une porte d'entrée dans la fiction filmique. Une analyse comparée de ces appellations dans leurs versions originales et leurs versions françaises donne ainsi des résultats particulièrement explicites pour les films de Woody Allen. D'autant qu'il est l'un des réalisateurs anglophones les plus attentifs à la traduction de ses films à l'étranger, lui qui dès 1978 a inséré dans ses contrats une clause interdisant aux distributeurs étrangers de modifier ses titres sans son accord. S'il ne participe pas du système des studios hollywoodiens, son succès souvent plus important en Europe qu'aux États-Unis implique une grande attention accordée aux stratégies mises en œuvre pour aboutir à une réception aussi efficace par les publics étrangers, et notamment français. La mise en regard des titres américains et français, et plus largement des choix de transfert linguistique, ou iconographique en ce qui concerne les affiches, illustrent le processus d'exportation de l'image d'Allen dans l'aire francophone, qui joue sur des horizons d'attente spécifiques ; ces choix ont des incidences qui concernent chaque film, non seulement individuellement, mais aussi en tant que composant d'une série auctoriale, aboutissant à une nouvelle appellation, "le Woody Allen", quasiment devenu un genre per se.