Pourquoi 'tout le monde, il' n'est pas "beau" ou étude sémantico-référentielle de la locution pronominale "tout le monde" - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2011

Pourquoi 'tout le monde, il' n'est pas "beau" ou étude sémantico-référentielle de la locution pronominale "tout le monde"

Résumé

Si la forme tout a fait l'objet de descriptions approfondies dans ses emplois de déterminant (1) ou d'adverbe (2) compte tenu de la complexité morpho-sémantique de ses réalisations dans tout le/tous les (cf. Anscombre, 2006 , Flaux & Van de Velde, 1997) ou des contraintes qu'impose, en tant que déterminant, tout "nu " (Anscombre, 2006 ; Le Querler, 1994, 2006, Paillard, 2001) (3), ses présumés correspondants pronominaux tout, tou(te)s et tout le monde n'ont pas connu le même succès : 1) Tout contrevenant sera sanctionné/Tous les contrevenants seront sanctionnés/Paul a mangé toute une tarte 2) Lucie est toute jolie 3)*Tout contrevenant a été sanctionné Et pour cause, intuitivement, leur interprétation semble assez simple, puisqu'on comprend qu'avec (4) à (6), le locuteur indique que la " totalité des choses " ou " des personnes " pour reprendre la paraphrase de Sandfeld (411) et Grevisse (§ 735) sont concernées par le prédicat qui leur est appliqué : 4) Tout va bien/J'ai tout (fini+fait+mangé+emporté) 5) Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés (La Fontaine, Fables) 6) On confond généralement comme Buffon langue et style, parce que peu d'hommes ont besoin d'un art de volonté (...) et parce que tout le monde a besoin d'humanité dans l'expression (Jacob, Cornet dés, 1923, p.14, TLFi) Pour autant, les choses ne sont pas aussi simples qu'il n'y paraît, notamment en ce qui concerne tout le monde (désormais TLM) qui va nous occuper dans cet article. En effet, TLM pose un premier problème lié à son statut grammatical. Si la plupart des ouvrages usuels (Arrivé et al., 1986 ; Riegel et al., 2009 ; Sandfeld, 1965, 391-2) le rangent dans la catégorie des pronoms indéfinis, il s'en trouve quelques-uns pour l'occulter : c'est ainsi que Denis & Sancier-Château (1994, 254-5) limitent les pronoms exprimant la totalité à tout/tous tandis que d'autres lui dénient le statut de " pronom " : le TLFi l'inscrit sous monde, sans mention à une quelconque locution pronominale, tout comme le Petit Robert (éd. 2008) ; Grevisse le range dans la rubrique intitulée " Autres indéfinis occasionnels " qui regroupe des " SN dans lesquels le N a perdu sa valeur propre " (§708a). Second problème : TLM est considéré comme la simple variante en " langue de tous les jours " de tous qui serait " plutôt littéraire " (cf. Sandfeld, ibid. et, à sa suite, Le Bidois, 245-6). Or, la variation n'est pas évidente, tous ou presque de (7) n'ayant rien de particulièrement " littéraire ". Par ailleurs, la commutation entre tous et TLM ne va pas toujours de soi (8) : 7) Je restais à l'écart. Ils étaient là, agglomérés en petits groupes, les garçons d'un côté les filles de l'autre. Tous ou presque vêtus d'un 501 et d'une chemise kaki dénichée dans les surplus américains de la région (Ernaux, Usage de la photo, 2005) 8) Mon programme politique contentera tout le monde et ne m'engagera pas (in Sandfeld, 302) *Mon programme politique contentera tous et ne m'engagera pas Enfin, tous a la capacité, que n'a pas TLM, de renvoyer au /-hum/ et ce, par un fonctionnement anaphorique, étranger également a priori à TLM : 9) J'ai ainsi commencé trois romans. Tous s'arrêtent au début de la seconde phrase (Sandfeld, 393) Quatrième problème, pour terminer : TLM est censé renvoyer à la totalité tantôt " globalisante " (GMF, 2009), tantôt non (cf. " la (quasi) totalité, la grande majorité des gens " (TLFi)), quand il n'équivaut pas à chacun (PR, Grevisse). Bref, la valeur sémantico-référentielle ne semble pas stabilisée dans les ouvrages de consultation. Au vu de cet inventaire, TLM n'a donc rien à envier, du point de vue de la complexité, à ses équivalents adverbiaux ou déterminatifs. Notre contribution a donc pour but d'essayer de réduire celle-ci. Sur la base des travaux antérieurs et d'un (petit) corpus constitué d'énoncés tirés de Frantext , notre objectif consistera à éclairer le statut catégoriel de TLM aux plans morphologique, syntaxique et sémantico-référentiel, de manière à préciser ses conditions d'emploi et les interprétations multiples qui, le cas échéant, s'y attachent.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-00817284 , version 1 (24-04-2013)

Identifiants

  • HAL Id : hal-00817284 , version 1

Citer

Catherine Schnedecker. Pourquoi 'tout le monde, il' n'est pas "beau" ou étude sémantico-référentielle de la locution pronominale "tout le monde". G. Corminboeuf & M.-J. Béguelin. Du système linguistique aux actions langagières. Mélanges en l'honneur d'Alain Berrendonner, De Boeck Duculot, pp.507-521, 2011, Champs linguistiques, 978-2-8011-1647-0. ⟨hal-00817284⟩

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