. I. Cf, . Xenakis, . Riddle, and . Japan, étude intéressant, puisque celui-ci intègre le Japon à travers sa singularité sonore et non son universalité structurelle Cela montre peut-être que notre compositeur n'est pas totalement convaincu de l'idée d'une universalité abstraite à travers les structures d'ordre ou la théorie des groupes ou bien que, plus simplement, comme tout compositeur, c'est un « voleur » de sons? Cette conscience de l'irréductible singularité des musiques non occidentales ? et de la musique en général ? va sans doute augmenter chez lui grâce à des voyages de plus en plus nombreux, en Indonésie, en Iran, etc. ainsi qu'aux Etats-Unis (où il enseigne jusqu'au début des années 1970) Par ailleurs, à travers ces voyages, il prend probablement conscience du fait que le monde est en train d'entrer dans ce que Marshall McLuhan nommera « village global », un monde où l'information est de plus en plus disponible immédiatement Xenakis développe souvent cette vision des choses. Je cite le texte de 1976, intitulé « Culture et créativité », qui fut publié par l'Unesco : « Quand on dit " pays développé, on ne pense qu'aux machines à laver, aux voitures ou à la bombe A ou H, mais on oublie que des civilisations comme celles de l'Inde, par exemple, ou de l'Afrique, sont bien plus développées que les civilisations artistiques des pays capitalistes ou socialistes. Aucune comparaison n'est possible entre les arts traditionnels de l'Inde ? musique, danse, architecture ? ou ceux de la Chine, de l'Indonésie, de l'Afrique, qui sont le patrimoine de l'humanité tout entière, et ce qui existe dans le domaine artistique en Europe, aux États-Unis, ou en Union soviétique, p.68, 1970.

. Dans-ce-texte, il va même jusqu'à émettre des propositions concrètes pour l'enseignement : « Il est indispensable de restructurer l'enseignement, à partir de la maternelle, en passant par l'école primaire, les lycées et jusque dans les universités, de manière que les civilisations des pays dits du tiers-monde

. Parallèlement-À-cette-conscience, il conserve l'idée d'une universalité, mais il assouplit sa position, parlant d'« invariants » : « [Les cultures musicales sont des] diversités incroyables [?] en formations et transformations continues tels les nuages [?mais qui présentent] des parties qui sont plus invariantes que d'autres et qui

. Dans-sa-propre-musique, il s'intéresse notamment aux quartes justes qu'il pense comme élément invariant 19 . À partir environ de 1977 et jusque dans les années 1980, il fait un usage abondant d'une échelle qu'il dit être proche du pelog javanais, une échelle caractérisée par l'imbrication de quartes justes, sous la forme présentée par l'exemple, 1970.

. Cf, Iannis Xenakis, pp.144-145

L. Chez-le-dernier-xenakis, on trouvera parfois une référence précise : l'Afrique. Notre compositeur s'est toujours intéressé à la musique africaine, mais c'est la première fois que cela s'entend dans son oeuvre. Il semblerait qu'il ait travaillé de près les rythmes africains : « J'ai aussi étudié les rythmes africains, qui apparaissent complexes, mais qui sont en réalité basés sur des patterns rythmiques isochrones » 20 , dira-t-il. Mes recherches dans les Archives Xenakis ne m'ont pas permis de savoir s'il a étudié par lui-même la musique africaine ou s'il l'a fait par l'intermédiaire d'un article de l'ethnomusicologue Simha, il témoignera dans quelques entretiens de cet intérêt pour la musique africaine en déclarant par exemple, 1980.

. Pourquoi-l-'afrique-?-un-commentateur-malin-pourrait-relever-le-fait-qu, Révolution française ; constatant que le compositeur y répondit en faisant appel à des instruments africains, il en déduira qu'il s'est amusé à rappeler que la République a aboli des privilèges en France, mais n'a pas renié le colonialisme. D'une manière plus générale, et sans prêter des intentions à Xenakis, on ne pourra pas s'empêcher d'entendre cette oeuvre comme un hommage à un continent dévasté, que l'Europe a pillé, et qui, de nos jours, donne lieu à des récits hallucinants à propos de gens qui se noient dans l'Océan dans leur effort désespéré de gagner l'Europe. La référence à l'Afrique joue sans doute aussi à un niveau plus individuel. Le premier Xenakis, avant de se lancer dans l'abstraction, s'intéressait beaucoup aux questions rythmiques. Le compositeur revient donc au rythme dans sa vieillesse ? mais il y est revenu aussi avant ? comme à un soi devenu étranger, Ici aussi, d'une manière plus générale, en entendant Okho, on peut imaginer notre compositeur découvrant, dans les couloirs du métro parisien, des musiciens africains ou autres jouant du djembé, et se disant : « Je peux aussi faire cela ». C'est-à-dire : « Je peux aussi être cet Autre radicalement différent de ce que je suis ethniquement Il dira : « Ma musique n'a pas de racines dans la musique occidentale, excepté pour l'instrumentation

S. Arom and «. Du-pied-À-la-main, les fondements métriques des musiques traditionnelels d'Afrique centrale Xenakis cite cet article dans « Cribles, Analyse musicale n°10, 1982.

. Je-suis-essentiellement-un-autodidacte, Il a publié un livre d'entretiens intitulé Il faut être constamment immigré 25 Il a sans doute été toute sa vie à la recherche de l'altérité, et il est probable que l'Afrique joua pour lui le rôle d'une altérité radicale, de laquelle il finit par se sentir très proche. Le titre Okho, nous dit-il

. Cf, François Delalande, « Il faut être constamment un immigré ». Entretiens avec Xenakis, 1997.