«. La-journée-type, est lever sept heures Il allait en boucherie, donc avant d'intégrer une boucherie près de chez lui, il y avait une boucherie ici Donc il faisait neuf heures ? midi, seize heures ? dix-neuf heures, donc on l'amenait à neuf heures, on le récupérait à midi. Repas, détente, playstation. Seize heures, il retournait au travail jusque dix-neuf heures, et repas du soir. Bon après, les jeunes étaient tous rentrés le soir, donc? Sinon, le début d'après-midi, comme ils sont beaucoup à l'école, il était un peu seul ici

M. Et-une-journée, Ben une journée-type, c'est il se lève à huit heures, grand maximum Et il déjeune, donc là, ce matin, David aide à l'entretien des locaux Donc bon, là, il y avait de la peinture et il y avait un nettoyage de sol làbas puisqu'ils avaient mis en peinture. Il s'est chargé de ça pendant toute la matinée. Donc cet après-midi, il a eu la playstation en début d'après-midi, mais en décalé par rapport aux horaires de permission puisqu'on a mangé sur l'extérieur, donc ça a été un peu décalé. Et puis voilà, là, ils vont attendre, ils vont nous redemander la Playstation à normalement 12 h 45-13 h 30, mais comme on est revenu du repas à 13 h 30

. Et-les-chambres-sont and . Oui, Ben déjà, elles sont fermées à clé la journée pour pas qu'ils se volent entre eux, et puis? Eux, ils s'enferment

. Voilà, Ou? Je sais pas si vous connaissez R., le surveillant (j'acquiesce) ? Ben, j'ai fait quinze jours de mitard pour lui, parce qu'en fait, je me suis fâché avec un autre jeune, et puis lui il est venu, il m'a fait une clé-de-bras, et moi, ça, je l'ai mal pris

E. Enfin-je-lui-ai-mis-un-coup-de-tête and . Ce-qui-fait-que-j-'étais-au-mitard, Quinze jours. Mais après, ça s'est calmé Je me suis dit que ça me servait à rien, tout ça Donc je me suis calmé Je suis passé au régime vert Et puis après? Pour essayer d'avoir une liberté à mes peines. Sortir plus vite. (?) Je suis resté dix mois en prison, il y a d'autres affaires qui sont tombées. Ben en fait, j'ai continué comme ça a continué en détention. Et puis après, on m'a proposé un CER, ça fait que j'ai dit oui. Et là, je suis en liberté conditionnelle, en aménagement de peine exactement, Ça fait que je continue ma peine

. Qu, est-ce qui t'as poussé à accepter l'aménagement ? Ben c'est pour? Sortir un peu? Dix mois de prison

C. 'est-la-première-fois-que-tu-viens-dans-un and C. , Non, mais c'est le premier que je respecte. Que je suis pas parti. Avant

. Qu-'est-ce-que-tu-faisais-quand-tu-fuguais, Oh, des bêtises, des vols, des fois je vendais de la came. Pleins de choses de fou. Et là, ça va. Là, il me reste trois semaines ici. Après, je rentre chez moi tranquille. Je vais trouver une formation, et tout ça

. La, arrêter de faire souffrir la famille constituent les ressorts narratifs d'un mouvement plus général : la trajectoire carcérale de Jordan était liée à un type particulier de jeunesse (celle des quartiers pauvres) Une alternative se dessine : soit l'approche de la majorité sonne donc le glas, et il s'agit maintenant de trouver une autre « voie » ; soit Jordan prend la route déjà tracée par d'autres membres de sa famille : passer de longues années supplémentaires en prison

«. Ouais and . Qu, en fait, je fais souffrir ma famille Parce que moi, mon père, il a fait quinze ans de prison. En fait, il a fait des quatre ans, des cinq ans. Pour braquage, stupéfiants aussi. Et ma mère, elle est chez moi toute seule avec ma mère

. Mon-père, Et ça? On a fait souffrir ma mère En puis après, c'est moi qui y va, plus mon grand frère, il est en prison. Il a pris neuf ans. Que des braquages. Trente braquages. Trentedeux braquages. C'est mon demi-frère du côté de mon père, en Algérie. J'ai aussi des oncles en prison. Y'a mon oncle qui est avec mon frère en cellule, là-bas, en plus Il a pris sept ans

. Mon-père-lui, ça fait trois, quatre ans qu'il s'est calmé. Ça va

. Il-est-embauché, Ça fait un mois qu'il travaille dans une nouvelle entreprise, ils l'ont déjà embauché

«. Deux-affaires, Mon affaire de stups Mais une fois, j'étais pressé, j'ai pas mis une cagoule, et ils m'ont pris en photo Mais je leur ai passé un journal, et j'avais tout mis dans un journal Ça fait qu'ils savent pas ce que je leur donne Ça fait que je leur donne un petit peu de journal Et moi, je leur ai dit à la policeOuais c'est du teush, j'avais un dix euros de teush, il en avait besoin, moi je fumais pas, je l'avais? Je l'ai vendu pour le dépanner". Ils ont aucune preuve contre moi. C'est pour ça. J'ai fait 96 heures de garde à vue, ils m'ont relâché direct. Après, j'étais en prison pendant quinze jours, après, j'ai été libéré parce que? Ah, t'as quand même fait quinze jours de préventive pour ça ? Ouais, j'ai été relaxé, mais bon, y'a quand même le jugement. Et une autre affaire, parce qu'en fait, j'étais à Roubaix Au Géant, vous connaissez ? Et en fait, moi, je devais acheter une laisse pour mon pote, parce que lui, il a un chien. Une laisse en chaîne. Et moi je l'avais oubliée, je dis à ma mèreAttends-moi type, une fois, il jouait le grand. Il s'est dit : "je suis plus grand que lui, Je lui ai dit viens, tu vas voir ce que je te fais. Comme par hasard il a regardé tout le monde, il a dit pourquoi vous séparez pas

. Et-quand-t, agresses des gens, tu penses jamais au mal que tu leur fais. Non, je m'en tape. Si il sait pas se défendre, c'est sa faute à lui

L. Différentes-mesures-dont-medhi-est, avoir aucune prise sur lui, hormis la neutralisation temporaire Une fois libre, le « chat » retrouve sa « balle » : « Des CER, j'en ai fait Quand t'es là, ça se calme, mais après, quand tu reviens dans ton quartier, c'est re-belotte. C'est comme un chat, tu le prives de sa balle, il va plus s'amuser avec sa balle, quand tu lui rends il sera obligé de rejouer avec. C'est pareil, on te fout en centre éducatif fermé, il n'y a plus ton environnement

. Au-terme-d, une série de mesures et de sanctions éducatives, l'incarcération, suite à une agression violente, semble inéluctable. Pour Medhi, sa mère n'a aucune prise sur ces événements

«. Elle-dit-quoi-ta and . Tu-veux-qu-'elle-dise-quoi, Elle va me gueuler dessus, je vais recommencer. Elle est mal. Elle a pleuré quand je suis tombé, elle a pleuré. Des fois aussi

«. Ce and . Tu-peux-rien-y-faire, doit s'interpréter comme une double impossibilité : impossibilité de la mère d'agir sur la trajectoire de son fils, impossibilité pour le fils de remonter le moral de sa mère ; derrière cette deuxième impossibilité

I. Gagner and . Temps, Concernant la détention, l'entretien se structurera selon deux thèmes privilégiés

N. Non, est nique sa mère j'ai pas envie de sortir, parce que plus tu sors, plus ça fait penser à dehors, et plus ça te met le moral à zéro Moins tu penses à dehors et mieux t'es. Si tu penses pas à dehors t'es bien. T'es en promenade, tu penses aux autres, t'es en train de péter un plomb. Ça sert à quoi que t'es là si c'est pour péter les plombs ? Moi je sors pas c'est pas parce que j'ai peur de me faire agresser, c'est parce que je vais sortir, je vais squatter, je vais voir le soleil qu'il fait dehors et tout Je vais péter un plomb. Je vais m'imaginer des scènes. Je serais dehors, là, à cette heure-ci, j'aurais ma bouteille de vodka, un joint, je serais posé tranquillement. Tandis que là, je suis dans ma cellule, nique sa mère. Faut pas penser, nique sa mère

. En-prison and . Medhi-retrouve-quelques-connaissances, Le sommeil, on l'a dit, devient une modalité essentielle de la gestion du temps carcéral

«. Donc-toi-en-fait-tu-dors-surtout-la-journée and . Tu, te réveilles le soir c'est ça ? Ouais voilà. La plupart du temps, il y a John, le gars de mon quartier, sa cellule elle est à deux trucs de la mienne

. Et-vous-discutez-de-quoi-alors-toute-la-nuit, on parle de dehors, qu'est-ce qu'on ferait si on serait dehors à cette heure-ci, des fois il est 6 h 00 du matin, il me dit à cette heure ci, on serait en train de rentrer chez nous pour aller dormir, Parce que quand je traînais avec lui, on vivait la nuit et on dormait la journée. Ça aussi tu peux le faire

. Avant-hier, . Pas-dormi-de-la-nuit,-hier-j-'ai-dormi-toute-la-journée, and . Quoi-je-lui-ai-dit, ils m'ont donné du chocolat et le beurre, j'ai pris ça et je me suis rentré dans ma cellule, je me suis fait un café, j'ai regardé la télé, je me suis rendormi, j'ai dormi toute la nuit et là j'ai encore dormi toute la journée. J'ai pas dormi une nuit et là j'ai rattrapé, j'ai dormi une journée entière, une nuit entière et la moitié d'une journée, je gagne du temps. (?) La psychologue, elle m'a dit : "tu supportes bien l'incarcération tout ça

L. Majorité-de-medhi-approche, il envisage donc de revenir en prison, « chez les majeurs ». La perspective de « prendre une grosse peine » lui paraît une perspective envisageable. Medhi décrit alors sa vision du temps qui passe, en prison comme ailleurs : « Plus tard, ça sera peut-être tout ce qui est trafic de stup' en gros

I. De-récidive-je-retrouve-medhi-un, mois après sa sortie de prison, en CEF. L'entretien se déroule dans de bonnes conditions, Medhi est affable Notre discussion permettra de mesurer l'écart organisationnel qui sépare la prison et le CEF : si la prison était marquée par la volonté d'endormir la peine carcérale, le CEF est l'occasion pour Medhi d'enclencher un projet d'insertion. Son récit met en lumière la volativité des récits produits en prison. Pour lui, les récits de récidive sont le produit d'une institution « qui met les nerfs ». Le croisement d'une dynamique institutionnelle et d'une dynamique biographique joueraient en faveur de l'arrêt de la délinquance : d'un côté, le CEF permettrait, on l'a dit, d'envisager concrètement l'insertion, ce passage en CEF intervient à un moment où

. Medhi-aurait-mûri, et se serait assagi. La participation à l'entretien serait en tant que tel un symptôme de cette évolution

«. Lors-de-notre-première-rencontre-de-tactique and . Ouais, Mais c'est parce que t'es en prison, t'as les nerfs, c'est normal ; ça dépend, il y a des gens qui sortent, ils sont encore plus fous, et ça des gens, ils s'assagissent, ils se calment, ça dépend des personnes Moi je ne peux pas dire : "je suis tout à fait calme", je ne suis pas tout à fait calme, mais, comparé à deux, trois ans en arrière, vous seriez venu me voir pour un entretien, je vous aurez traité, j'aurais dit : "ouais, qu'est-ce que tu me veux avec ton entretien nin-nin-nin?, dégage psychologue de merde ou quoi" tandis que là, je viens? Je ne suis pas psychologue. Ouais mais c'est pareil. Mais maintenant que je suis ici, je vais peut-être trouver un contrat d'apprentissage et si je trouve un contrat d'apprentissage et un appartement, je vais arrêter mes conneries, mais si je trouve rien, je vais pas commencer à chercher toute ma vie du travail, nique sa mère, je vais continuer mes conneries. J'ai été me renseigner, donner mes CV, lettres de motivation et tout, j'ai fait un stage là, dès que je suis sorti, mais un stage d'une semaine de peintre en bâtiment. (?) Je me suis calmé, je sens que je me suis calmé

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