À gauche, à droite, etc. : de l'espace du descripteur et de la description à celui du lecteur
Résumé
Cette réflexion, qui s'appuie sur l'approche praxématique de l'intersubjectivité, est centrée sur les marqueurs spatiaux présents dans les descriptions, tels à gauche, à droite, c'est-à-dire des locutions adverbiales de position absolue, qui « constituent le lieu dans lequel se situe un être ou un événement, par rapport à une référence qui se confond avec le sujet parlant lui-même » (Charaudeau, 1992 : 420), et qui, à ce titre d'une référence liée à l'énonciation, ont une portée déictique, contrairement aux emplois prépositionnels du type à gauche de X, à droite de X, qui construisent des positions spatiales relatives. Dans un texte littéraire, cette déicticité est nécessairement am phantasma, selon l'expression de Bühler, c'est-à-dire imaginaire (les déictiques spatiaux ordonnant la description en dehors du champ visuel des coénonciateurs), mais elle fait appel, au même titre que la déixis ad oculos, à la capacité du lecteur à voir avec autrui, en s'appuyant sur les ressources de sa corporalité. La corporalité du scripteur est, elle aussi, à l'œuvre, dans la mesure où c'est sa propre expérience humaine, en amont, qui préside à l'élaboration de la description, et qui sature la référence spatiale portée par à gauche ou à droite : autrement dit, les deux moments du processus descriptif – celui de son élaboration, celui de son interprétation – s'ancrent dans une expérience en partage, qui est celle du voir. Cette contribution s'interroge sur la façon dont cette expérience s'implante dans la description, et montre non seulement que l'espace fictionnel décrit est construit selon le modèle habituel de l'expérience humaine, à partir d'un centre de perspective, mais aussi que le scripteur, dans la coénonciation enchâssante, s'appuie sur cette déixis imaginaire pour mettre en place des processus d'identification, et donc d'engagement corporel du lecteur dans son dire