Le travail de la pierre à Pétra
Résumé
La diversité, les qualités et les défauts du grès de Pétra ont nettement influencé les techniques et les résultats architecturaux et stylistiques des ouvrages rupestres. L'analyse des techniques et des stratégies d'extraction dans les carrières de Pétra contribue à la connaissance des chantiers rupestres nabatéens. L'important volume de blocs produits dans les carrières et lors des creusements rupestres permet aussi de s'interroger sur l'importance du bâti de la ville. La géologie locale impose le choix des emplacements rupestres et parfois la répartition des registres architecturaux et la richesse de la modénature et/ou du décor. Le caractère très abrasif du grès réduit la variété de l'outillage destiné au travail rupestre. La taille du grès directement dans la montagne explique notamment la quasi-absence d'échafaudage et d'engins de levage. Ces chantiers progressent de haut en bas par tranches horizontales, combinant sur un même plan de travail toutes les phases du dégagement extérieur et intérieur, ainsi que les finitions, en utilisant la roche comme plancher. L'extraction de blocs au cours de ces travaux explique la complexité des interrelations entre les parties externes et internes du chantier. L'aspect des tailles et des traces d'outils révèle le fonctionnement du chantier, le nombre d'intervenants, les techniques employées et les buts visés. Les équipes d'artisans se réduisent souvent à deux professionnels polyvalents pour les ouvrages modestes, alors que les grands monuments semblent produits par plusieurs équipes de spécialistes. Les artisans personnalisent parfois leur production par des tailles ornementales qui étaient destinées initialement à rester visibles, contestant ainsi l'hypothèse d'un enduit systématique de ces monuments. L'évaluation de la complexité réelle de la taille de chacune des composantes monumentales rupestres par rapport à leur équivalent construit révèle leurs spécificités technico-économiques. Mais d'autres facteurs interviennent comme les compensations de coût des ouvrages rupestres par la production des blocs et les renchérissements divers qui tiennent aux difficultés de cette taille. La durée d'un chantier rupestre nabatéen type est évaluée à environ 8 mois avec deux intervenants. Le même monument construit exige trois fois plus de temps. Une extension de ces évaluations est proposée comme ordre de grandeur pour la durée de l'ensemble des réalisations rupestres dans les sites d'Hégra et de Pétra, soit respectivement 24 et 22 ans. Les influences techniques semblent variées et recoupent plusieurs courants stylistiques, en particulier en direction de l'Egypte ptolémaïque, mais aussi d'autres cultures. Les spécialistes des ouvrages rupestres constituent des petites équipes d'artisans qui semblent bénéficier de statuts particuliers par rapport à leurs collègues du monde romain. Les résultats obtenus dans ce secteur de la production nabatéenne ouvrent des perspectives de recherches prometteuses qui ne pourront que s'élargir dans le domaine technico-économique et renforcer nos connaissances architecturales et stylistique.