C. M. Firth, The Archaeological Survey of Nubia Report for, Kubban, p.2, 1910.

. Teaux-de-bambous, En Afrique noire, les scarifications (chéloïdes) féminines sont souvent associées aux pratiques sexuelles Chez les Tshokwe de l'Angola oriental, l'arrivée des règles marque le début du rite de nubilité : « L'instructrice (cikolokolo) pratique la dilatation des petites lèvres, incise sur le pubis les tatouages mikonda ayant une fonction érotique, et initie la jeune fille à la vie sexuelle ». Danses et chants érotiques ont lieu à l'écart des hommes. « Après le rite de passage, la jeune fille, reçue en grande pompe au village, est présentée à son fiancé auquel elle est habituellement mariée sans délai. » 48 De leur côté, les Tiv (Nigeria oriental) prétendent que les scarifications abdominales des femmes facilitent la fécondité : avec les années, les chéloïdes s'attendrissent et deviennent érogènes ; les femmes scarifiées, plus exigeantes sexuellement, auraient donc plus de chance de concevoir 49 Au Mozambique, des femmes scarifiées avant 1950 expliquent à Heidi Gegenbach comment leurs scarifications (tinhlanga) améliorent les rapports sexuels : d'une part elles incitent le mari à caresser sa femme plus longtemps pendant les préliminaires ; d'autre part, Les cicatrices de ces égratignures sont un motif de plaisanterie mais aussi de fierté 47

. Au-début-du-xx-e-siècle, Certaines se faisaient également tatouer une « petite chaîne » (senisla) dont les maillons étaient censés enchaîner l'amant et le retenir Cette senisla pourrait nous rappeler certains tatouages hypogastriques retrouvés en Haute-Égypte et en Nubie (fig. 2 et 3) Mais cette notation de Françoise Légey 51 , isolée et spécifique, n'autorise pas un tel rapprochement Le tatouage ne sollicite pas autant le toucher que les chéloïdes On peut toutefois se demander si ses linéaments ne constituaient pas autant de pistes que les mains et la bouche de l'amant n'avaient plus qu'à suivre. Le tatouage des Bédouines d'Irak, qui descend parfois depuis le menton jusqu'au pubis, en passant entre les seins, et qui entoure les cuisses et les hanches, était de ceux qui pouvaient inspirer de tels préliminaires. On pourrait dire que le tatouage nubile ne signale pas seulement l'appropriation des femmes par la structure sociale ; il cartographie aussi la prise de possession progressive du corps féminin par l'homme. Suivre ces beaux méandres, d'abord par le regard, puis par le toucher, c'est être invité à explorer des charmes de plus en plus secrets. Comme l'écrit Georges Bataille, « la beauté de la femme désirable annonce ses parties honteuses » 52 . L'imagination de l'auteur de ces pages ne saurait évidemment combler les lacunes de la documentation. Les données réunies ici ne laissent cependant pas de doute sur l'aspect érotique du tatouage féminin, un érotisme qui s'insère, nous l'avons vu, dans un cadre sémantique plus large, dominé par l'affirmation de la nubilité. Le tatouage constituait certainement un des stimuli alimentant, sinon les fantasmes, au moins l'imagination amoureuse des jeunes gens appelés à serrer un jour dans leurs bras ces jeunes filles qu'on avait précisément tatouées dans la perspective de telles relations. La banalité du tatouage féminin ne change rien à l'affaire. Il suffit de songer à ce que la lingerie féminine représente dans nos sociétés, les prostituées marocaines portaient parfois des tatouages magico-prophylactiques contre le mauvais oeil (petits motifs géométriques isolés 47 Trad. fr. S. Jankélévitch, pp. 189 et 240. 48 M.-L. BASTIN, La sculpture Tshokwe 49 P. BOHANNAN, « Beauty and Scarification Amongst the Tiv, pp.50-51, 1926.