LE COMMERCE INTERPERSONNEL DANS L'ACTIVITÉ DE TRAVAIL SOCIAL

Ingrid Dromard-Fouchecourt (1)

1 CEPERC - Centre d'EPistémologie et d'ERgologie Comparatives

Intervenir dans la vie des autres est une activité habituelle des travailleurs sociaux. Nous pourrions même dire que cette intervention caractérise l'activité de travail des professionnels de l'action sociale. Elle résulte de l'opération de travailler en lien direct avec l'usager, le demandeur, dans l'objectif d'une transformation de sa situation et de la résolution de ses problèmes. Intervenir dans le " jargon " du travailleur social désigne ainsi un accompagnement à la fois physique, psychique, moral et administratif de la personne. L'intervention en travail social se formalise par une rencontre qui procède d'un prescrit institutionnel. A ce titre, il s'agit d'une activité de travail normalisée, héritée et enseignée puis renouvelée par son adaptation au réel de l'expérience professionnelle. Elle met en scène au minimum deux personnes, deux identités, deux parcours de vie différents. Ce sont deux mondes qui se rejoignent ou s'opposent dans une confrontation de normes et de valeurs. Cette approche de l'intime peut quelque fois faire bouger les lignes des certitudes, déstabiliser et provoquer l'inconfort. En cela, elle est source de renouvellement pour chacun des protagonistes concernés. En tous les cas l'action émanant de cette intervention particulière, dans laquelle le travailleur social tient un rôle significatif, a pour fin d'interrompre un état pour tendre vers l'autonomisation de l'individu demandeur. Par le biais d'une approche philosophique nous avons souhaité comprendre comment il était possible de permettre à l'individu demandeur de s'impliquer pleinement dans la résolution de sa ou ses difficultés. La réflexion proposée pour tenter d'élucider cette problématique se fonde ainsi sur deux hypothèses : La première consiste à dire que " l'assisté ", au sens de celui qui demande assistance, doit être considéré comme sujet entrepreneur et non comme objet d'une action, d'un dispositif, d'une loi. Pour être autonome l'individu a besoin de liberté par opposition au sentiment de dépendance. Il est actif, entrepreneur et normatif au travers de sa participation. Ainsi, dans une perspective dialogique constitutive d'une maïeutique de l'esprit, d'une prise de conscience des possibilités face au réel, le travailleur social doit progressivement rendre son accompagnement inutile. Reconnaitre le bénéficiaire, l'usager, l'accompagné comme sujet entrepreneur est la condition pour qu'il s'autonomise amorçant ainsi le processus le conduisant à " se tenir debout " au sein de la société. Pour tendre vers cette capabilité retrouvée, la seconde hypothèse consécutive à la première, consiste à dire que les débats de normes et de valeurs inhérents à cet accompagnement social, sont favorisés par un jeu de posture entre les deux protagonistes. Tout rapport de domination doit donc être réversible. L'asymétrie des rôles entre le savant et le profane doit être réduite au maximum en valorisant toutes les formes de savoirs. En postulant l'idée que l'autonomie se construit sur une réciprocité active, cette théorie nous conduit à penser l'accompagnement social comme un échange ou un commerce interpersonnel, fait de savoirs pluriels.

Mots clés: travail social; normes

Domaines: Philosophie

Ingrid Dromard-Fouchecourt. LE COMMERCE INTERPERSONNEL DANS L'ACTIVITÉ DE TRAVAIL SOCIAL. Semaine internationale HES SO et Congrès de la Société Internationale d'Ergologie Produire des normes et intervenir dans la vie des autres : Savoirs et démocratie en travail, May 2014, SIERRE, Suisse. ⟨hal-01009501⟩