Droits d'eau et droits d'accès : Le rôle de la critique environnementaliste
Résumé
This research paper explores the origin and articulation of two notions embedded in the European water framework directive: the reference conditions and the economic performance. The story of the 2nd wave of environmentalism in California in relation to water politics serves as a case-study to explore how the two notions can be articulated in discourses and law.
La directive cadre européenne sur l'eau institue deux notions qui semblent en contradiction : la notion de référence écologique et la notion de performance économique. Le passage par la Californie permet de prendre du recul sur ces deux notions et de montrer qu'elles se côtoient depuis longtemps dans un contexte libéral. La notion d'état de référence pour un espace naturel a peu de pertinence pour les écologues d'aujourd'hui, mais elle a pourtant rencontré un grand succès juridique. Initialement introduite dans le droit américain dans les années 70, elle a récemment été reprise dans la réglementation européenne sur l'eau. Pour comprendre ce succès, il faut étudier le contexte d'utilisation de ce concept dans le droit. L'histoire de la contestation environnementaliste en Californie offre une série contrastée de cas dans lesquels ce concept a été performant pour lutter contre les excès du productivisme, de l'appropriation exclusive et de l'exploitation des travailleurs. En effet, il est difficile de critiquer le système capitalisme en absence d'alternative. Les acteurs sont contraints d'accepter la propriété exclusive comme le modèle de mise en valeur qui enrichit l'ensemble de la population, jusqu'à preuve du contraire. La référence environnementale est précisément un outil qui permet de construire une preuve du contraire sans remettre en cause le modèle dominant. C'est un outil qui permet de quantifier les pertes et les bénéfices induits par un projet en identifiant une situation " avant perte ". Cet outil a été utilisé historiquement autant par des classes sociales privilégiées pour préserver des espaces d'exception hors du système de production que par des travailleurs luttant pour améliorer leurs conditions de vie. Le rôle qu'a joué la notion de référence pour les écologistes est comparable à celui qu'a joué la notion de performance pour la réallocation de l'eau entre des acteurs économiques puissants, en Californie depuis les années 1850 et depuis 2000 dans la réglementation européenne. L'Etat californien n'a jamais eu la légitimité d'imposer de nouvelles règles d'allocation de l'eau face à des intérêts économiques et des acteurs politiques puissants sans un solide argumentaire libéral. C'est la notion de performance qui a servi de commune mesure aux différents usages de l'eau. Cette notion a évolué au cours du temps pour refléter les aspirations différentes d'une population très diverses. Elle a permis de faire évoluer les règles d'allocation de l'eau pour mieux répondre aux nouveaux enjeux sociaux en absence d'une forte légitimité politique de l'Etat. L'histoire de l'usage de ces deux notions (référence naturelle et performance) dans le contexte californien (Etat peu légitime et libéralisme) est très éclairante pour comprendre leur usage dans le contexte européen qui est tout à fait comparable. En effet, l'Union européenne fait face à des Etats puissants, plus légitimes politiquement mais en concurrence et qui ne s'accordent que pour accepter que le libéralisme soit le modèle d'arbitrage de leurs conflits. Dans ce contexte, l'utilisation conjointe des notions de référence naturelle et de performance des usages de l'eau dans la directive cadre sur l'eau prend tout son sens : il ne s'agit pas d'une opposition entre écologie et productivisme, mais deux outils critiques complémentaires exprimée dans une même grammaire libérale.
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...