La production artificielle de chéloïdes et les paradoxes de l'harmonisation du corps dans l'Antiquité.
Résumé
L'exposé porte sur les profondes incisions et/ou cautérisations dont la cicatrisation, volontairement retardée, produit une épaisse cicatrice (chéloïde) par hyperplasie du derme. Ces opérations, courantes chez les barbares (Scythes, Gaulois, Libyens, Éthiopiens), étaient connues et occasionnellement pratiquées par les médecins grecs et romains. Deux objectifs étaient visés : a) évacuer le mal en entretenant la suppuration des escarres ; b) en produisant des chéloïdes, obstruer certains vaisseaux pour contrarier la circulation des humeurs mauvaises.
Mais chercher à restaurer l'équilibre physiologique en mutilant irrémédiablement la « belle peau » (χροά καλόν, comme l'appelle Homère), c'était heurter de plein fouet l'esthétique classique de la « belle apparence » (εὐπρέπεια), celle d'un corps non modifié, sans taches ni aspérités. Cet impératif esthétique s'est imposé aux médecins grecs et romains. Les cautérisations profondes ont toujours occupé une place très marginale dans les prescriptions antiques. Les médecins qui en font mention ne les ont d'ailleurs pas forcément eux-mêmes expérimentées. La saignée superficielle que Galien systématise et dont il encourage l'usage était, comme l'acupuncture chinoise classique, un procédé non mutilant.