Étude de la métamémoire et de la mémoire chez l'homme normal et sous l'effet de médicaments psychotropes
Résumé
Les connaissances et croyances de chacun sur sa mémoire et les comportements mnésiques qui en résultent constituent la métamémoire. Deux composantes de la métamémoire interagissent : l'évaluation et le contrôle. L'individu est capable d'estimer sa connaissance ou la difficulté d'une tâche.Cette conscience constitue la composante évaluation. À partir des informations fournies par l'évaluation, et en fonction de la situation, le sujet va contrôler son comportement, c'est-à-dire poursuivre la recherche ou non, choisir une stratégie d'apprentissage, produire une réponse ou non, etc. Un trouble de mémoire peut donc résulter de perturbations à divers niveaux de l'évaluation et/ou du contrôle, et les diverses formes de mémoire peuvent être concernées.Nous avons par ailleurs posé l'hypothèse que la relation avec la mémoire de certaines professions pourrait avoir des conséquences sur leur métamémoire. Métamémoire et appartenance socio-professionnelle. L'objectif est d'étudier chez les sujets sains les variations métacognitives induites par l'activité professionnelle. À l'aide d'un questionnaire (Metamemory Inventory in Adulthood), nous avons dressé le profil des connaissances métamnésiques (stratégies, difficulté d'une tâche, limites, etc.), de 4 groupes (enseignants, comédiens et chanteurs d'opéra, informaticiens, et témoins). Nous avons ensuite étoffé le groupe des comédiens et testé les effets de l'âge (de 18 à 76 ans). Les comédiens et des serveurs de café ont aussi passé des tests en laboratoire pour mesurer leurs capacités d'évaluation et de contrôle (allocation du temps d'étude, changement de stratégies). Les tâches présentent des enjeux et des utilités pour les professionnels étudiés, et permettent de traiter du rôle de l'expertise sur les activités métamnésiques, la prise de décision, etc. Mémoire, métamémoire et benzodiazépines. Les benzodiazépines sont des médicaments anxiolytiques très consommés, et constituent en outre un outil pharmacologique précieux pour la compréhension de la mémoire normale : en effet, nous sommes en mesure de provoquer expérimentalement une amnésie qui est soit temporaire (dans le cas de la mémoire épisodique) soit réversible (pour la mémoire sémantique). L'analyse linguistique des erreurs sémantiques produites sous Lorazepam (LZ), (réalisée par L. Paire-Ficout, psycholinguiste en CJC Cognitique), a mis en évidence des troubles particuliers du comportement cognitif, avec des erreurs sémantiques et de persévération. L'hypothèse est que le lorazepam perturbe les mécanismes d'inhibition des réponses non pertinentes. Pour mieux comprendre ce déficit d'inhibition, nous avons conduit plusieurs expériences. Les sujets sous LZ sont plus fréquemment dans une situation cognitive d'inaccessibilité transitoire d'une information connue (comme quand on a le mot sur le bout de la langue), et présentent en parallèle une perturbation métacognitive de l'évaluation, les sujets attribuant improprement un jugement élevé à une information fausse. Le contrôle de la mémoire qui s'ensuit est perturbé, les sujets produisant plus d'erreurs que les placebos. L'effet anxiolytique du lorazepam sur la résolution de conflit semble précisément impliqué dans la perturbation de mémoire sémantique. L'étude des effets du lorazepam sur les processus de traitement de l'information a révélé que les sujets sous LZ sont également plus sensibles aux illusions sémantiques (incapacité à détecter une incongruité). Les résultats montrent donc l'existence d'un traitement sémantique altéré mais aussi des déficits de contrôle dans la production d'une réponse. Des déficits d'évaluation et de contrôle sont également présents dans des tâches nécessitant un apprentissage.